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De la nécessité et de la délicatesse de l'entraînement des
étudiants par Claude Chevassu
Cela fait vingt ans que j'exerce mon
métier avec passion en essayant d'améliorer mon art afin de faire en
sorte que mon enseignement devienne plus performant et que mes élève
acquièrent des connaissances plus profondes. Je suis arrivé à un
certain nombre de conclusions sur la méthode qu'il faut suivre pour
devenir un "bon élève". Pour vous livrer ces conclusions, je préfère
citer des extraits d'un article de Philip Ross, expert en sciences
cognitives, qui a écrit « Le cerveau des experts »
paru dans la revue « Pour la science » de septembre
2006. Cet article analyse les conditions de la réalisation de
l'expertise (maîtrise suprême dans un domaine) en se basant sur les
joueurs d'échecs. Pourquoi les joueurs d'échecs comme sujet
d'étude ? « L'habileté aux échecs peut-être évaluée,
disséquée, soumise à des expériences de laboratoire, et observée
simplement dans son environnement naturel, la salle de tournoi. C'est
pourquoi les joueurs d'échecs ont été utilisés pour tester les théories
de la pensée à tel point qu'on les a qualifiés de
« drosophiles des sciences cognitives », la
drosophile (une petite mouche) étant l'objet d'étude par excellence des
généticiens. »
On ne naît pas bon en classe, on le devient !
Rien n'est figé, tout peut
s'améliorer : « Plusieurs études ont montré que les
compétences augmentent linéairement de l'enfance et jusqu'au milieu de
la trentaine. »
Il faut avoir sécher
plus ou moins longuement sur des problèmes pour établir les
"bons circuits" dans le cerveau qui faciliteront les résolutions
suivantes.
Comment s'améliorer ?
« Un entraînement opiniâtre
est la clef du succès pour les grands maîtres du jeu d'échecs, mais
aussi pour les musiciens virtuoses, ou encore pour les sportifs. Des
recherches récentes indiquent que la motivation est un facteur plus
important que les capacités innées. »
« Certaines positions de l'échiquier où un calcul précis et
détaillé est décisif permettent aux grands maîtres de
briller : pour ainsi dire ils explorent davantage de branches
de l'arbre des positions que l'amateur. De même, un physicien
expérimenté envisage plus de solutions possibles qu'un étudiant en
physique. Dans les deux cas, l'expertise repose plus sur un stock de
connaissances structurées que sur une puissance d'analyse supérieure.
Confronté à une position difficile, un joueur médiocre calcule
longtemps, tente d'anticiper de nombreux coups, sans voir la suite
logique des coups, alors que le grand maître sélectionne rapidement
quelques coups possibles, les analyse et sélectionne celui qui lui
semble le meilleur. Cette différence traduit l'existence d'une forme
particulière de mémoire, spécifique des agencements des pièces pendant
une partie. Cette mémoire spécifique doit se développer grâce à
l'entraînement car les grands maîtres ne se débrouillent pas mieux que
les autres pour les tests de mémoire généraux. De fait, la présence
d'une telle mémoire spécifique dans un domaine particulier de
connaissance est l'indice de l'existence d'une expertise. »Est-il facile d'accéder à l'expertise ?
« Tous les théoriciens de
l'expertise se rejoignent sur un point : la construction de
ces structures (mémorielles) dans le cerveau requiert des efforts
prodigieux. H. Simon a élaboré une loi psychologique - la règle des dix
ans -, selon laquelle il faut environ une décennie de travail intensif
pour devenir expert en quelque domaine que ce soit. »
« Même des enfants prodiges comme Gauss en mathématiques,
Mozart en musique ou Bobby Fischer aux échecs, ont dû fournir un effort
équivalent, peut-être en commençant plus tôt et en travaillant plus dur
que les autres. »
« La prolifération récente des prodiges aux échecs ne fait que
révéler l'avènement des méthodes de jeu d'échecs sur ordinateur, qui
ont permis aux enfants d'étudier beaucoup plus de jeux de maîtres et de
jouer plus souvent contre des programmes de haut niveau que la
génération précédente. B .Fischer fit sensation lorsqu'il obtint le
titre de grand maître à l'âge de 15 ans en 1958 ; le détenteur
actuel du record, l'Ukrainien Sergei Karjakin, a obtenu ce titre à
l'âge de 12 ans et sept mois seulement. »
Comment accéder à l'expertise, de la nécessité d'être
entraîner par un excellent guide :
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« Ce ne serait pas
l'expérience en tant que telle qui importerait, mais l'entraînement,
« apprentissage laborieux », qui suppose d'affronter
sans cesse des défis situés un peu au-delà de ses compétences. C'est
pour cette raison qu'il est possible de passer des dizaines de milliers
d'heures à jouer aux échecs ou au golf ou d'un instrument de musique
sans jamais dépasser le niveau d'un amateur, et pourquoi un
étudiant bien encadré peut progresser davantage et plus rapidement.
Le temps passé à jouer aux échecs, même lors de tournois, semble moins
contribuer aux progrès du joueur qu'un entraînement acharné ;
les compétitions ont pour principal intérêt de mettre en évidence les
faiblesses auxquelles il conviendra de remédier par
l'apprentissage. »
« Cette croyance bien ancrée en l'importance du talent inné
n'est guère étayée. Ainsi, dans le développement de l'expertise, la
motivation semble jouer un rôle bien plus important que la capacité
innée. De plus, le succès engendre le succès, car chaque réussite
renforce la motivation de l'enfant. Sans entraînement, aucun novice ne
deviendra expert. En revanche, l'entraînement sans talent ne donnera
sans doute pas un grand maître. Une subtile combinaison de motivation,
d'amour de son art, de talent inné, d'entraînement intensif et d'un
environnement favorable aide le grand maître ou l'expert à se
réaliser. »
Même si vous n'ambitionnez pas de devenir "grand maître" ou "expert",
la lecture des extraits de l'article de Philip Ross vous aura montré
que l'entraînement des étudiants est complexe et délicat. Donner
confiance, motiver, évaluer soigneusement le niveau de l'étudiant pour
lui choisir des exercices qui le feront progresser, guider : dans ce
domaine, improvisation et amateurisme ne sont pas de mise, il faut
avoir recours à un professeur expérimenté.